Foule sentimentale

Newseltter de novembre, avec 1 jour de retard ! Méprisées ou fétichisées, les classes populaires sont “parlées” par d’autres. Avec les réseaux sociaux, ce rapport de forces se transforme : des voix jusque-là invisibles accèdent à l’espace public, suscitant fascination, agacement ou volonté de reprise en main.

Méprisées ou fétichisées, les classes populaires sont “parlées” par d’autres. Avec les réseaux sociaux, ce rapport de forces se transforme : des voix jusque-là invisibles accèdent à l’espace public, suscitant fascination, agacement ou volonté de reprise en main. C’est cette émergence des « foules sentimentales »  et la crispation qu’elle génère dont il est question.

“#MeToo est une libération de la parole”, dit-on. Les féministes répondent : « C’est une libération de l’écoute, car les femmes ont toujours parlé. ». De la même manière, les classes populaires parlent sans qu’on les écoutent. Tantôt désignées « cas soc », « baraki », « beaufs », ou glorifiées au rang de fétiches, associées à la nature, aux traditions et à une nostalgie nationaliste, elles sont Interprétées sans possibilité de s’exprimer pour elles-mêmes.

Avec les réseaux sociaux, la donne a changé. Des personnes issues des classes populaires et moyennes, toute une frange de la population qui n’aurait pas pu accéder à une situation d’élite sociale et culturelle, ont trouvé un espace pour parler, et se parler. Accusées d'animer les cafés du commerce en ligne, ces foules trop sentimentales pour être honnêtes sont ignorées de la bourgeoisie culturelle, jusqu’à ce qu’un succès retentissant l’oblige à poser les yeux sur elles.

On a soif d’idéal 

C’est un mouvement que j’ai pu observer quand le documentaire Kaizen du youtubeur français Inoxtag est sorti en 2024. Sans un succès de masse aucun journaliste culturel ne se serait intéressé à lui. À contre-cœur, les Inrocks décident d’en parler : « Kaizen : on a regardé le docu d’Inoxtag pour que vous n’ayez pas à le faire. ». Évidemment, j’ai foncé voir le film. Pour qui se prennent-ils ? Pourtant, si les images font rêver et qu’Inoxtag semble sincère, je ne l’ai pas aimé non plus, trop contaminé par le discours méritocratique et aveugle à l’exploitation des Sherpas. Mais, peut-être parce que j’ai conscience d’avoir moi-même des goûts qui dégoûtent, et des incohérences éthiques, je n’ai pas ressenti la fureur du critique. On peut ne pas aimer une œuvre, parce que ce qui fait son succès nous échappe, sans devoir exécuter publiquement son créateur : « Inoxtag (...) décide de se la jouer grand philosophe (de comptoir uniquement) et de nous faire la morale. ».

Il faut voir comme on nous parle.

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Par Rose Lamy

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