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La newsletter de l'autrice et créatrice du compte Préparez vous pour la bagarre

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Par Rose Lamy
5 avr. · 6 mn à lire
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Starmania, les zonards et la lutte des classes

Dans ce premier épisode de Newsletter consacré à la comédie musicale Starmania, on décrypte la chanson Quand on arrive en ville, on fait le point sur ceux qui violent les filles, le soir dans les parking, on parle Zonard, Etoiles Noires, Black mirror, anti fascisme & Daniel Balavoine.

Ces derniers mois, je vis une déflagration intérieure similaire à celle que j’ai connue avec #metoo, mais à l’endroit de la classe. J’ai toujours su que j’avais pris cher, mais, comme pour les violences sexistes dont j’ai pris conscience en 2017, certaines manifestations de violences ordinaires, jusqu’ici invisibles à mes yeux, des humiliations, des angoisses,  remontent et habitent mes pensées et mes cauchemars. Je revisite même certaines morts dans ma famille, que j’ai toujours considérées comme aléatoires, alors qu’elles semblent en fait s’inscrire dans un contexte d’oppression de classe. L'espérance de vie inférieure des classes populaires, ce n’est pas une vue de l’esprit.

Le pire dans ce marasme, c’est de réaliser la manière dont j’ai participé à cette entreprise de démolition des miens, à mon autodestruction aussi, pour briller aux yeux de personnes qui nous détestent. J’ai compensé, j’ai menti, j’ai craché sur la musique populaire, la télé, les beaufs. Et puis le soir je regardais Camping Paradis, j’écoutais ma playlist de Joe Dassin sur le chemin de concerts “respectables” que j’allais voir avec mes amis, et qui m'emmerdaient parfois prodigieusement. Lors de mes nombreuses insomnies, je repense aux moments les plus gênants de ma vie. Celui qui revient ces derniers temps, c’est le jour où j’ai dit à ma mère que j’avais hâte de quitter “cette famille de plouc”. J’étais jeune, et il parait qu’on se construit “contre” les autres au moment de l’adolescence. Mais je déteste cette séquence, et je passe une énergie folle à essayer de détricoter ce qui m’a amené à la vivre.

Alors, c’est vrai. J’ai envie de me rattraper, d’arrêter de mentir, et de parler de cette culture qui est la mienne, celle des ploucs, des sans-dents, de celles et ceux qu’on accable de regarder la tv et d’être stupides, en se demandant après chaque déroute électorale, pourquoi ils ne votent plus pour celles et ceux qui les insultent tous les jours. Et j’ai envie d’en parler avec la même précision et le même respect que les textes universitaires ou médiatiques que j’analyse chaque jour.

Je dois commencer par cette œuvre par qui mon hacking social s’est produit : Starmania. 

Ma petite notoriété, les livres et la newsletter : tout vient d’elle car, vous ne le savez peut-être pas, Préparez-vous pour la bagarre est tiré des paroles de Quand on arrive en ville, chansoninterprétée par Daniel Balavoine (coeur dans les yeux) et Nanette Workman.

 Qu'est-ce qu'on va faire ce soir? On va peut-être tout casser

Si vous allez danser, ne rentrez pas trop tard, de peur

Qu'on égratigne vos JaguarsPréparez-vous pour la bagarre

Écrite par Luc Plamondon et composée par Michel Berger, Starmania est un objet culturel ultra populaire, dont sont tirés un nombre invraisemblable de tubes de la pop francophones : Le blues du businessman, SOS d’un terrien en détresse, Le Monde est Stone (repris en 1992  par Cindy Lauper) ou encore Ziggy (reprise en 1993 par Céline Dion).

Cette popularité et son grand âge ont souvent valu à la comédie musicale d’être considérée comme kitsch ou ringarde. Je veux bien admettre que certains noms de personnages n'aident pas, comme Johnny Roquefort, Zéro Janvier ou Le Gourou Marabout. 

Pourtant cette œuvre se révèle d’une intelligence politique remarquable, quand on retire ses lunettes de snobinard. Écrite il y a 44 ans,  elle anticipe de nombreux phénomènes actuels comme les émissions de télé réalité musicales, l’avènement de la politique spectacle, la corruption du système médiatique, les gilets jaunes, la Macronie, Trump, la montée du fascisme, l’effondrement climatique et a même selon moi inspiré un épisode de la série culte Black Mirror.

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