Près de 400 000 kits post-viols qui attendaient d’être envoyés au laboratoire pour être comparés aux bases de données criminelles, ont été abandonnés dans différents entrepôts de stockage de la police à travers le pays. C'est ce que révèle un documentaire co-produit par Mariska Hargitay (Olivia Benson de New-York Unité Spéciale).
Vous pensiez que vous ne pouviez pas aimer davantage Olivia Benson ? Laissez moi vous raconter une histoire à son sujet. En 2020, au hasard d’une lecture je découvre l’existence des Backlogs. Des centaines de kits de viols laissés à l’abandon dans d’énormes hangars de la police dans tous les Etats-Unis. Un scandale sanitaire, éthique, politique dont on a peu entendu parler en France. En menant mon enquête, je découvre qu’il existe un documentaire HBO sur le sujet I AM Evidence, récompensé par un Emmy Awards. Qui participe à la production ? Mariska Hargitay (Olivia Benson dans New York Unité Spéciale donc ) qui est aussi la fondatrice de l’ONG Joyful heart foundation pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles aux Etats-Unis. Cette fondation dispose d’un programme sur les backlogs. J’adore quand la réalité rejoint la fiction, et particulièrement quand la fiction est une œuvre de culture pop aussi majeure. J’avais déjà remarqué le tournant ultra féministe de New-York Unité Spéciale quand Mariska Hargitay est devenue productrice. La série était pourtant plus que problématique à ses débuts, il y a 24 ans, conservatrice, cringe, et cela même si l’idée d’une brigade spécialisée dans les crimes sexuels étaient avant-gardiste. Mais le programme a su s’adapter, notamment quand Mariska Hartigay a pris part à la production. Elle est désormais une série aussi populaire, qu’exemplaire en matière de discours sur les violences sexistes. Mais revenons à l’affaire des Backlogs décrite dans le documentaire.
Les kits de viols ou kits post-viol existent depuis les années 70 aux Etats-Unis. Il s’agit d’une “boîte à outil” utilisée systématiquement en cas de présomption de violences sexuelles. Il permet la collecte de preuves sur le corps d’une victime. Ces preuves ADN, sont ensuite envoyées aux laboratoires d’analyses pour une recherche de correspondance avec les bases de données de la police et/ou du FBI. Ces kits posts-viols complétés, scellés et contenant l’ADN de milliers de violeurs, ont été “oubliés” dans des entrepôts de la police. Des lieux de stockages parfois laissés totalement à l’abandon en périphérie des grandes villes. Certains kits sont si vieux que le délai de prescription s’applique.
L’entrepôt où a été retrouvé les kits de viols à Detroit - Sources : documentaire I Am Evidence
En 2009, 11 341 kits post-viols sont retrouvés dans un entrepôt de la Police de Détroit dans le Comté de Wayne, certains datant de 1984. Kym Worthy, à l’époque procureure du comté de Détroit - qui révèlera avoir été elle même violée pendant ses études universitaires - veut rendre justice à ces femmes oubliées, et se lance dans l’analyse de ces milliers d’échantillons.
Certaines affaires sont prescrites, certains kits sont endommagés et l’opération suppose une levée de fond ainsi que le recrutement d’enquêteurs supplémentaires. Elle lance la fondation Enough Said (Enough Sexual Assault in Detroit) pour lever des fonds et financer les tests et former la Police.
Les résultats des tests sont ahurissants : plus de 3000 enquêtes sont ouvertes, et 197 condamnations prononcées. Des centaines d’enquêtes sont encore en cours. L'examen des kits a déjà révélé l’existence de 817 violeurs en série dans le secteur de Détroit. “Un violeur agresse en moyenne 11 fois avant de se faire attraper. Sur notre échantillon de 817, près de 50 d’entre eux avaient de 10 à 15 viols à leur actif.”
Ce phénomène concerne tout le pays : on peut retrouver un décompte exhaustif des kits “oubliés” sur le site de l’ONG End The BackLog. Louisville : 4700. San Diego : 3000. Colorado : 6283. Texas : 20 000. Cleveland : 13 931.
2013 Memphis : La ville annonce avoir découvert 12 164 kits non testés dans un entrepôt de stockage et 200 de plus en 2014. En décembre 2017, 12 162 kits sont testés, ouvrant 2 612 enquêtes et 270 mises en accusation.
2014 Manhattan : Le procureur Cyrus R. Vance Jr annonce le lancement d’un plan de 38 millions de dollars pour le tests de dizaines de milliers de kits non testés depuis les années 1990. En tout, 55 000 kits sont testés dans plus de 20 états et 32 juridictions,des dizaines d’affaires sont réouvertes , 64 condamnations ont été prononcées à la suite de 186 arrestations pour viol ou agression sexuelle.
2019 Minneapolis : La police annonce en décembre 2019 avoir découvert 1 700 kits non testés couvrant une période de 30 ans lors d’un audit en 2015. Le chef de la police Medaria Arradondo s’engage à tous les tester, ce qui pourrait prendre deux ans.
2020 : le comté de Cuyahoga (Cleveland) a identifiés 503 violeurs en série sur 7000 kits. Un des accusés était coupable du viol de 17 victimes. ⅓ des échantillons concernaient plusieurs affaires.
Ces tests permettent de faire le liens entre des viols mêmes si l'agresseur n'est pas connu des service de police, d'identifier un violeur déjà présents dans les bases de données des services de polices, de confirmer l'expérience de viols des victimes, de relier le suspect à d'autres crimes, et même dans d'autres juridictions et états, de clore des enquêtes en cours, même si elles ne sont pas des agressions sexuelles et d'innocenter des hommes emprisonnés à tort.
Pour Rachel Lovell, chercheuse pour l’Université Case Westen Reserve, et qui travaille avec son équipe sur les kits du comté de Cuyahoga, (Cliveland) : 95% des des délinquants sexuels identifiés ont été arrêté pour un autre crime au minimum : cambriolage, vol, infractions liées à la drogue et la violence domestique. Elle déclare dans le documentaire I'm an évidence : “Se concentrer sur les violeurs pourrait être la solution pour faire baisser la criminalité générale”. Richard Bell, l’assistant du procureur du comté ajoute : “Ces preuves doivent être ajoutées dans nos bases de données. Accorder l’importance qui revient à ces enquêtes pour viol permet aussi d’éviter de futures crimes et délits.”
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